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Dérèglement climatique Zeitgeist

Jusqu’ici, tout va bien

Vu à Delémont dimanche dernier :

Chaque mois qui passe constitue un nouveau record de chaleur par rapport aux années précédentes. Quand l’isotherme du zéro degrés se situe à 5298 mètres comme c’est arrivé en Suisse l’an dernier, on se dit qu’il y a de quoi se faire du souci.

Les équilibres naturels sont compromis. Les incendies de forêt deviennent de plus en plus nombreux et difficiles à combattre. Ils libèrent des quantités inouïes de CO2 dans l’atmosphère, rendant dérisoires nos efforts pour limiter nos propres dépenses en CO2.

On entend dire que les microplastiques sont un problème, et on sait déjà que les voitures électriques en produiront davantage que les voitures thermiques, parce que leurs pneus s’usent plus rapidement.

Dans de nombreux pays, les électeurs votent de plus en plus pour les partis d’extrême droite. Il semble y avoir une aspiration pour des gouvernements autoritaires, mais il est peu problable qu’ils apporteront des solutions efficaces pour relever les défis climatiques. Et je ne parle pas des guerres, en Ukraine, à Gaza, et dans de nombreux autres endroits, ni des famines, ni de la misère, ni de…, ni de…

On va dans le mur, clairement. Cela me rappelle une phrase culte dans La Haine de Matthieu Kassovitz : jusqu’ici tout va bien. L’important, ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage.

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Christianisme Zeitgeist

La culture pour religion

Le christianisme est de moins en moins présent dans notre société. Relique d’une époque révolue, ensemble de croyances dénuées de tout fondement, superstition, illusion pour se consoler de la dureté des temps ? Voilà des qualifications qu’on a pu lire ici et là. Beaucoup d’églises se vident (pas toutes), leurs bâtiments sont vendus pour des usages qui n’ont plus rien à voir avec leur destination initiale, les paroisses peinent à recruter ceux et celles qui prendront la place des pasteurs et prêtres vieillissants. Tout se passe comme si la plupart des gens avaient intégré la “mort de Dieu” et se posaient la même question de l’insensé de Nietzsche :

À quoi servent donc ces églises, si elles ne sont pas les tombes et les monuments de Dieu ?

Nietzsche, Le Gai Savoir, 125

Le Christ lui-même, qui a annoncé que l’amour du plus grand nombre se refroidirait (Matthieu 24.12), a posé cette question stupéfiante :

Quand le Fils de l’homme reviendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ?

Luc 18.8

Lorsque ceux qui continuent d’aller à l’église seront morts, peut-être bien que la messe sera dite.

Pourtant, la soif de spiritualité et de beauté, la recherche de sens et de repères sont toujours présentes. Mais on a changé de religion : la culture a remplacé le culte. On va dans les musées, on visite les expositions, les concerts et les festivals attirent des foules. Cela vaut même pour les plus belles églises, ces témoins de la foi du passé, ou pour les pèlerinages, que certains reparcourent en disant leur bonheur de marcher longtemps sur ces chemins pétris d’œuvres et d’histoire. C’est culturel, pas cultuel. On admire les réalisations humaines, mais sans le Créateur, y aurait-il des créateurs?

Si la religion est comprise comme l’adhésion à un certain nombre de valeurs, elle change avec ces valeurs, qui tiennent un moment et sont remplacées par d’autres : la culture évolue, païenne un temps, chrétienne un autre temps, puis laïque et humaniste, éclatée enfin dans diverses identités et obédiences souvent exclusives les unes des autres. En attendant la suite, qui s’annonce dans les œuvres des artistes contemporains, les plus sensibles à l’esprit du temps. Baudelaire disait qu’ils sont des phares.

Mais si la religion est comprise comme la foi, c’est-à-dire la confiance en un Dieu qui se révèle au travers d’une Parole qu’il confirme par son esprit, au travers de son Fils qui apporte le salut à ceux qui le reconnaissent, au travers aussi (mais ça devient de plus en plus difficile à voir à cause de la folie humaine) de la magnificence et de la richesse incroyable de sa création, alors — même si elle devient très minoritaire — elle n’est pas près de mourir.

La transcendance est le grand refoulé de ce siècle. Pascal avait compris pourquoi :

Les hommes ont mépris pour la religion, ils en ont haine et peur qu’elle soit vraie.

Pascal, Pensées, éd. Lafuma n° 12

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Loisirs Slow Motion

Formation permanente

Il y a des activités de loisir dans lesquelles je souhaite progresser. J’aime dessiner, mais j’ai de la peine à produire des portraits ressemblants. J’aime jouer de la guitare basse, mais j’ai besoin de devenir meilleur bassiste. Je suis aussi intéressé par le modélisme ferroviaire, impressionné par les réalisations des autres, mais pas mécontent de mes productions maladroites. Le bonheur de parvenir à un résultat même approximatif quand il faut manipuler des matériaux en vue de leur donner la forme qu’on veut n’est pas si différent de celui d’avoir réussi à écrire un bon texte.

L’an dernier, ma réalisation a consisté à construire un tout petit réseau proposé par Clés pour le train miniature, Port Dizan, à l’échelle N (1/160) au lieu de HO (1/87). 60 centimètres de long, vingt de large + 20 cm de coulisse. Mes bâtiments en carton sont découpés approximativement, le pont est tordu, le bateau est vraiment en papier, la caténaire est distendue, et alors? De la joie quand même.

C’est sur le web que j’ai trouvé les meilleures ressources. Elles ne sont malheureusement pas en français, mais en anglais, et pour cette fois, en anglais de Grande-Bretagne, pas celui des Américains. Pour la basse, la meilleure que je connaisse s’appelle scottsbasslessons.com. C’est extrêment riche, tous les genres, tous les styles, tous les niveaux, plusieurs professeurs. Aucun souci, chacun peut y trouver de quoi progresser. Les cours proprement dits ne sont pas gratuits, mais de nombreuses ressources sont offertes sur leur chaîne YouTube, de quoi se faire une idée précise de ce qui est offert.

Quant au dessin, je voulais découvrir une nouvelle technique : le dessin au trait rehaussé avec l’aquarelle. Ici aussi, les Anglais font fort, et mes deux champions sont Sketching Scottie et Toby Sketch Loose. Je les suis l’un et l’autre, et tous les deux ont posté des dizaines de vidéos sur leur chaîne YouTube respective. Je vous les recommande. Scottie est plus précis et directif dans sa méthode, Toby, plus libéral, encourage davantage l’expérimentation personnelle. Je vous laisse les découvrir si le cœur vous en dit.

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Philosophie Religion et politique Zeitgeist

Oser savoir

Alors, Kant, qu’est-ce que les Lumières ?

(Pour rappel, on est en 1783, huit ans avant la Révolution française, en Prusse orientale, alors que Frédéric II, Frédéric le Grand, est roi de Prusse. Ce billet prend la suite du précédent.)

Les Lumières désignent le moment où l’homme cesse d’être mineur pour accéder à la majorité. Quand on est mineur, on est incapable de se servir de son propre entendement. Par paresse, par lâcheté, on préfère s’en remettre à des guides, à des tuteurs. Il faut du courage pour devenir majeur et on le devient en pensant par soi-même. Tout le texte de Kant peut être résumé par cet impératif : aie le courage de te servir de ton propre entendement !

Comment devenir majeur ?

On peut rester mineur toute sa vie en s’appuyant sur des tuteurs : pas besoin de penser si d’autres le font pour moi. Ces tuteurs, qui ont aimablement pris sur eux de conduire l’humanité, soulignent combien il est dangereux de sortir de sa minorité. Ils s’arrangent pour rendre le “bétail domestique” (l’expression est de Kant) bien sot et lui interdisent de faire le moindre pas en dehors de l’enclos. Mais en réalité le danger n’est pas bien grand : il suffit d’un peu d’entraînement pour apprendre à marcher seul. Au début, on trébuche, on tombe, mais on apprend aussi à se relever et à trouver peu à peu son assurance.

La personne chez qui la mentalité minoritaire est devenue une seconde nature aura de la peine à sortir de l’état de minorité, car on ne lui a jamais permis de se servir de son propre entendement. Peu nombreux sont ceux qui y parviennent par leur propre travail. La chose est plus facile au niveau collectif, estime Kant: il est possible qu’un public s’éclaire lui-même, pour peu qu’on lui en laisse la liberté, mais c’est un processus lent, qui suppose l’introduction de nouvelles façons de penser, tout le contraire de ce que serait l’introduction de nouveaux préjugés, par lesquels on tient les gens en laisse. Il faut aussi compter avec le fait que public a tendance à forcer ceux qui se sont libérés à retourner sous le joug commun.

Usage public et usage privé

Que faut-il donc pour favoriser les Lumières ? Rien d’autre que la liberté de faire un usage public de sa raison. De tous côtés, on entend crier : ne raisonnez pas, mais faites ce qu’on vous dit; ne raisonnez pas, mais payez; ne raisonnez pas, mais croyez, etc. Or il faut faire usage de sa raison dans tous les domaines, mais principalement celui de la religion. C’est ici que Kant introduit une distinction entre son usage public et son usage privé. L’usage public est celui qu’on en fait en tant que savant devant l’ensemble du public qui lit, alors que l’usage privé est celui qu’on fait dans l’exercice d’une charge ou d’une fonction qui nous est confiée.

L’usage public doit toujours être libre, mais l’usage privé peut et doit être restreint, dans l’intérêt de la communauté. Devant les fidèles de son église, le prêtre ou le pasteur s’en tiendra à la confession de foi qu’il est chargé d’enseigner. Là, il n’est pas permis de raisonner, on doit obéir. Devant les fidèles de son église, le prêtre ou le pasteur s’en tiendra à la confession de foi de sa communauté, qu’il est chargé d’enseigner. En tant que mandataire de l’église, il présentera ce qu’il enseigne comme quelque chose qu’il n’a pas le droit d’enseigner selon son opinion personnelle. Il est soumis à une autorité supérieure.

En revanche, en tant que savant, devant ses pairs, il n’a pas seulement pleine liberté mais mission de communiquer ses pensées soigneusement pesées à propos de la religion et de ses enseignements, en vue d’une meilleure organisation. La même personne peut se trouver faire les deux usages de sa raison, suivant qu’elle agit en tant qu’employé ou fonctionnaire, ou qu’elle se prononce en tant que savant, spécialiste, expert, devant un public qui discutera de ses propositions.

Voilà, pour l’essentiel, les thèses de Kant. Elles m’inspirent les remarques suivantes.

Sommes-nous éclairés aujourd’hui ?

On pourrait le penser : on peut discuter de tout, tout est remis en question, la religion ne fait même plus débat (tant qu’il s’agit du christianisme). Mais on est loin des critères que Kant posait. Tout le monde se croit invité dans les débat, et pas seulement les docteurs, les spécialistes, ceux qui ont étudié un domaine à fond. Qui est encore disposé à participer de bonne foi à un débat argumenté? Les opinions s’opposent aux opinions, la posture victimaire est valorisée, et on a l’impression que plus on est minoritaire, plus on se croit autorisé à faire un complexe de supériorité. Cette confusion, loin des lumières de la raison, va jusqu’à remettre en question des valeurs cardinales de nos démocraties sont remises en question. Il y a de quoi s’inquiéter. Pour paraphraser Kant, on pourrait dire que tout le monde veut faire un usage public de sa raison, mais que l’usage privé, dans le souci du bien commun, on le trouve pénible et peu désirable. Voilà du moins ce que les médias renvoient comme image du fonctionnement de notre société.

Kant est-il responsable de cette situation dégradée ?

Je cite un passage d’une lettre de nouvelles de Philosophie Magazine datée du 15 février dernier :

“Je veux montrer qu’Emmanuel Kant, né ici il y a près de 300 ans, a un lien presque direct avec le chaos mondial auquel nous sommes confrontés aujourd’hui. Il a en outre un lien direct avec le conflit militaire en Ukraine.” C’est en ces termes incongrus que s’exprimait récemment le gouverneur russe de Kaliningrad (ex-Koenigsberg, la ville du philosophe allemand) Anton Alikhanov devant le “Ve Congrès des politologues“.

Comment interpréter ces propos ?

Une lecture tant soit peu sérieuse de Kant aura de la peine à soutenir pareille thèse. Kant n’est pas un nihiliste, mais son œuvre critique a abouti à quelques conclusions douloureuses : notre pouvoir de connaître a des limites, il est impossible de faire de la métaphysique une science, la religion est légitime, mais relève de la foi, car notre raison est incapable de produire des preuves définitives. On ne peut prouver ni l’existence, ni l’inexistence de Dieu, par exemple. Le gouverneur de Kaliningrad paraît regretter le temps des tuteurs, des guides qui disaient au peuple ce qu’il doit croire et penser. De nombreux autocrates rêvent du retour de cette époque et travaillent à museler, à rééduquer leur population (et le reste du monde si possible) par le moyen de la propagande, de la diffusion d’informations biaisées, de l’enseignement très orienté de l’histoire, de la manipulation via les réseaux sociaux.

Comment lutter, sinon en prenant très au sérieux la maxime citée au début de ce billet : aie le courage de te servir de ton propre entendement! Analyse, considère, argumente, ne te laisse pas impressionner, cherche d’autres sources d’information pour vérifier celles que tu reçois habituellement, ne cède pas aux préjugés, etc.

Tâche difficile, mais nécessaire.

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Christianisme Philosophie

Voir ou écouter ?

Nous commémorons cettre annér le 300e anniversaire de la naissance d’Emmanuel Kant, l’homme aux trois Critiques (de la raison pure, de la raison pratique et du jugement esthétique). Philosophe majeur, il a marqué l’histoire de la philosophie au point qu’on ne peut plus penser comme s’il n’avait jamais existé.

J’aimerais évoquer un petit essai qu’il a publié en 1783 en réponse à la question : qu’est-ce que les Lumières ? C’est du moins ainsi qu’on a traduit en français Was ist Aufklärfung ? – traduction maladroite, j’y reviendrai.

Qui donc avait posé la question ? Un pasteur berlinois, Johann Friedrich Zöllner. Il avait pris la défense du mariage religieux contre le mariage civil, en réponse à un article anonyme qui en faisait l’apologie dans le numéro de septembre 1783 de la Berlinische Monatsschrift. Zöllner soutenait que mariage religieux était dans l’intérêt de l’État. Il polémiquait aussi contre la confusion et le trouble semés dans l’esprit et le cœur des gens au nom de l’Aufklärung, ajoutant, dans une note de bas de page, que ce concept d’Aufklärung était flou et que jamais personne n’avait répondu à la question de savoir ce qu’est –- alors qu’il s’agit d’une question presque aussi importante que celle de savoir ce qu’est la vérité.
Les réponses à cette question posée par un inconnu dans une note de bas de page sont venues en nombre, écrites par les auteurs les plus illustres de l’époque, parmi lesquels Kant.

Il est difficile de traduire Aufklärung en français. Le terme allemand signifie l’éclaircissement, l’explication, la clarification, l’élucidation, la démystification. Il s’agit effectivement d’apporter de la lumière dans quelque chose qui en manque. C’est un processus qui va à l’encontre de l’obscurantisme, principalement dans le domaine de la religion. Ce qu’on appelle le siècle des Lumières se dit en allemand das Jahrhundert der Aufklärung. En France, le XVIIIe siècle, dit sïcle des Lumières, est celui de Voltaire, de Montesquieu, de Diderot, de Rousseau, pour citer les plus connus. On peut le voir comme un héritage de Descartes qui, en identifiant la vérité avec l’évidence, a placé le débat sur un terrain qui appelle la lumière. Dans évidence, il y a la racine latine evidens, reliée au verbe video, voir. La vue est le sens auquel il est fait appel pour caractériser la vérité. Ce qui est évident est clair et distinct. Il faut donc chasser l’obscurité et la confusion.

Cette mise en lumière, cet appel à la transparence totale, est-on tenté de dire, me frappe par le fait qu’elle revient à tout mettre dans une forme d’extériorité et régler par là la question de la vérité et de l’erreur. Il suffirait de tout exposer à la lumière. Rousseau ne serait d’accord avec ce principe que dans sa pensée politique. À titre personnel, il mettait davantage l’accent sur l’intériorité – encore que ses Confessions, dans lesquelles il a voulu découvrir son cœur, montrer à ses semblables un homme dans toute la vérité de sa nature, n’en sont pas moins ambiguës, en ce sens que montrer, découvrir, c’est à nouveau mettre en lumière dans l’extériorité.

Tout le monde n’est pas d’accord pour considérer que la vérité ne se dit que par référence à la vue et à la lumière. Dans l’Ancien testament, “Écoute Israël ! L’Éternel notre Dieu, l’Éternel est un” (Deutéronome 6.4) sonne un commandement primordial, ce qui est confirmé par Jésus dans l’évangile de Marc en réponse à un scribe qui lui demande quel est le premier de tous les commandements : “Voici le premier : Écoute Israël, le Seigneur, notre Dieu, le Seigneur est un, et tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force. Voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas d’autre commandement plus grand que ceux-là.” Le mot d’ordre n’est pas “Vois!”, mais “Écoute !”

De manière inattendue, Nietzsche retrouve sur ce point la pensée biblique. Il voulait philosopher à coups de marteau. Le marteau était aussi bien celui des iconoclastes occupés à faire voler les idoles en éclats que le marteau d’auscultation du médecin, qui, à l’oreille, d’après le bruit produit dans l’organisme par le coup de marteau, pouvait connaître son état réel. On n’ausculte plus guère au marteau de nos jours. Le scanner et les IRM ont remplacé la subtilité de l’écoute par du bon gros visuel.

C’est dire si le thème de la lumière — et des Lumières — est fondamental dans notre culture. Que dit donc Kant dans sa réponse à la question Qu’est-ce que les Lumières ?

Ce sera le thème de mon prochain billet.

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Écrire

Un trot de cheval sur une cour pavée

Je relis les épreuves de mon roman à paraître ce printemps. J’en suis à la relecture au plumeau, pour reprendre une des belles métaphores utilisées par Jean Guenot dans son excellent Écrire, Guide pratique de l’écrivain, éditions Guenot, Saint-Cloud, 1998. La relecture au plumeau intervient après la relecture au sabre, à l’issue du premier jet, elle-même suivie de la relecture à la colle.

C’est le moment de vérifier la grammaire, de traquer les répétitions, de corriger les coquilles sur les épreuves où le texte est déjà mis en page. Je redécouvre un texte que je n’ai plus relu depuis six mois. Quand la lecture cesse d’être fluide, c’est qu’il y a un souci. Alors j’élague, je biffe, je change une expression, je pars à la recherche d’un synonyme que je trouve souvent sur le site du CRISCO. Je réaménage les passages où la lecture est entravée, je fais la chasse aux scories, je retire le caillou dans la chaussure, je m’efforce de parvenir à la formulation la meilleure possible, celle dont je me demande pourquoi je ne l’ai pas trouvée du premier coup. Cela dit, je sais bien que lorsque j’ouvrirai mon livre au hasard, juste après avoir reçu le premier exemplaire, je tomberai une coquille oubliée en me demandant comment j’ai pu ne pas la voir.

Pour en revenir au style, à l’écriture, ce que j’aimerais entendre, c’est un trot de cheval page sur une cour pavée, selon une autre image de Guenot.

Le maître écrivain est un maître menteur. Il forge, il ajuste, il façonne; il découd pour recoudre des bouts de mensonge car il sait bien qu’il n’a pas d’autre moyen de dire la vérité (…) D’autant qu’elle ne se fait pas en soufflant dessus, la pénétrante musique du mensonge. On part de petites vérités. C’est piètre. Mentir s’apprend. Écrire aussi. Tous les humains sont des menteurs puisqu’ils ont recours au langage. Fort peu sont des écrivains. On va passer dix heures sur six feuillets de texte, les donner à lire. En moins de quatre secondes, tout lecteur un peu entraîné sait si vous avez ou non la cadence. L’écrivain se reconnaît sur la page comme un trot de cheval sur une cour pavée. Même loin, menu, intermittent. Même à travers une ou deux épaisseurs de sommeil. (…)
Écrire est un artisanat si mal payé qu’on ne peut continuer à l’exercer que par vanité d’auteur. Il y faut tant d’efforts, d’échecs, d’acharnement qu’on ose à peine dire le temps passé. Pourtant, dès que le texte paraît, écrire devient une activité reluisante. Dans la hiérarchie morale des métiers du livre, l’auteur vient tout en haut. On le punit de ce prestige en le payant en monnaie de singe. Puisqu’il tire des auréoles de ce qu’il écrit, la contrepartie tout à fait naturelle c’est de ne pas lui permettre d’en vivre.

Jean Guenot, Écrire, Guide pratique de l’écrivain, avec des exercices, Éditions Guenot, Saint-Cloud, 1998, pp. 23-24
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Choses vues Non classé

Holiday Train Show dans le Bronx

J’aime les trains, les grands comme les petits. À la fin de l’année dernière, j’ai eu le plaisir de visiter le Jardin botanique de New York, dans le Bronx, qui propose un “holiday train show” tout à fait remarquable.

Avant même d’entrer dans le bâtiment principal, où se trouve une grande serre tropicale, on découvre des constructions en bois qui supportent une voie ferrée de modèle réduit dans une échelle qui doit être à l’échelle 1:22,5, avec un écartement de 45mm. En plein air. C’est du LGB (Lehmann Garten Bahn), une marque qui appartient à Märklin depuis 2007. Le matériel supporte les intempéries, d’où son utilisation possible en extérieur, dans un jardin ou dans un parc, comme ici.

Mais l’extérieur n’est que l’apéritif, si je puis dire, car l’intérieur du bâtiment abrite des circuits plus longs et complexes. Les trains passent entre les plantes, sur des ponts impressionnants faits de branchages, devant des reproductions de bâtiments new-yorkais. Il y en a près de 200, ceux qu’on voit à Central Park, mais aussi l’ancienne Bibliothèque publique de New York, sans oublier les gratte-ciel les plus connus, du Chrysler Building au nouveau World Trade Center.

Tous sont réalisés à partir de matériaux végétaux, même la statue de la Liberté. Les concepteurs de l’installation appellent cela de l’architecture botanique.

La vidéo promotionnelle ci-dessus et ce
reportage sur CBS news donnent une idée du travail que représente la mise en place du “train show”.

Au bout d’un moment, on ne sait plus très bien où donner de la tête. Des trains circulent dans tous les sens, on passe sous des ponts en bois qui reproduisent quelques-uns des grands ponts qui traversent l’Hudson ou l’East River, et qui sont eux aussi parcourus de convois de marchandises ou des rames de wagons pour les voyageurs. On admire les bâtiments, et du coup, les plantes du Jardin botanique sont juste là pour la déco.

Pour en savoir plus, il y a encore cette page du site du Jardin botanique et cette vidéo très complète sur la fabrication des maquettes à l’aide de végétaux et leur mise en place pour le Holiday Train Show de New York :

La prochaine édition aura lieu en décembre. Si vous aimez les trains, si vous vous trouvez au bon endroit au bon moment, achetez vos billets à l’avance et allez-y à l’ouverture, car ensuite il y a vraiment beaucoup de monde.

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Écrire Le Prix du Hasard

Mon prochain roman

J’ai le plaisir de vous annoncer que mon prochain roman paraîtra durant le deuxième trimestre de 2024 aux éditions Mon Village.

Il sera dans la veine de Chasseral love, avec une intrigue policière, un ancrage local et… quatre fois plus de morts (mais pas plus de quatre). Il y sera question du hasard et de tout ce qui se met en place pour le dominer. Titre provisoire : Le Prix du hasard.

J’ai hâte de vous en dire davantage.

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Philosophie Zeitgeist

Tout est possible avec philosophy®

Bienne, Manor, 14 juin 2022.

Nature, grâce, pureté, espérance et miracle, philosophy® (ce ®, quel culot!) vous offre vend tout ce que vous voulez.

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Choses vues Philosophie Zeitgeist

Blitz philosophie

Bienne, libraire Lüthy, 27 mai 2022.

On n’arrête pas le progrès.